Il y a 50 ans, une journée mémorable des maquis châtillonnais |
Le 27 juillet 1944, des délégations de plusieurs maquis châtillonnais -Tabou, Aigle Blanc, Tigre et Panthère- investissaient le village de Larrey pour rendre un dernier hommage à Julien BON, leur compagnon de combat, abattu à Laignes le 13 mars 1944. Rallié à la Résistance dès mars 1943, Julien BON avait fait partie du maquis TABOU et du maquis Henri BOURGOGNE. Il faisait la liaison entre le P.C. de l'Yonne et les maquis locaux. Les maquisards très aguerris commandés par André MOULINIER alias Casse-cou avaient posté des guetteurs aux entrées du village. Après une prise d'armes, une cérémonie religieuse était célébrée par l'abbé Mégaradémy. Les soeurs de Saint Vincent de Paul avaient parcouru le village pour déposer des médailles miraculeuses de Lourdes tant était grande la crainte de voir apparaître les allemands. Après la cérémonie, les maquisards se réunirent pour déguster des tartes préparées par madame Bon avant d'organiser une partie de football sur une friche au-dessus de Larrey. Mais une toute autre partie allait se jouer avant la nuit ce jour même, celle contre sept faux maquisards de la Gestapo qui cherchaient à s'infiltrer dans les rangs des partisans à Poinçon. Ces sinistres personnages, auteurs d'abominations, se déplaçaient dans deux voitures qui furent interceptées par les partisans. Les occupants se présentaient comme F.F.I. en mission mais la perspicacité des maquisards fut payante: en fouillant le capitonnage de la traction, on trouva l'ordre de mission qui émanait de la Gestapo. Ainsi on put mettre fin, après jugement, aux exactions de ces criminels de guerre.
JEAN-MARIE ACTION,
Le neveu de Julien BON, Vianney HARPET a recherché le témoignage des compagnons de maquis de son oncle Julien BON, héros de la Résistance châtillonnaise. Julien BON avait rejoint le 6 juin 1943 un groupe de réfractaires au STO avant de rallier le maquis TABOU des RAILLARD père et fils de Châtillon. Il y rencontrera Henri CAMP qui fondera près de Laignes un important maquis qui aura son P.C. dans la région de Semur, sous le nom de HENRI BOURGOGNE. Les maquis locaux avaient essentiellement besoin d'armes et d'explosifs fournis par Londres à travers des réseaux. En Bourgogne, le Réseau Jean-Marie Action tenait ce rôle. On retrouve les membres de ce Réseau ravitailler et encadrer les maquis. Le réseau Jean-Marie, créé par le capitaine Henri FRAGER dans le midi puis en Haute-Savoie, avait ses ramifications en Bourgogne. Son P.C. était à Aillant-sur-Tholon (Yonne) sous la direction de Pierre Argoud en 1943. Ce réseau nommé Donkeyman par la SOE (Special operation Executive) installée au coeur de Londres avait à la tête de la "french section" Maurice BUCKMASTER. Vianney Harpet a eu la chance de retrouver trois personnalités très différentes de ce réseau qui ont accepté de lui révéler la part importante prise par Julien dans les maquis bourguignons: André Moulinier, Jorge Semprun et Michel Herr. André MOULINIER alias Casse-Cou qui faisait partie des fondateurs du TABOU, était également dans le maquis Henri BOURGOGNE avant de commander son propre maquis "Tigre et Panthère". Il est l'auteur de nombreuses actions violentes dans l'Yonne et la Côte d'Or. Michel Herr, un homme remarquable, avait été envoyé en Bourgogne en 1943 avec Jorge Semprun, le célèbre écrivain espagnol, par le M.O.I. (mouvement de résistance international) pour des activités de distribution d'armes et des parachutages au sein du réseau Jean-Marie Action. Michel Herr était capitaine chargé de l'instruction du groupe BAYARD de Joigny, lui, le professeur d'histoire, ancien de Normale Sup., diplômé d'archéologie et de philosophie après deux années de médecine!... André Moulinier, Jorge SEMPRUN et Julien BON, répartissaient les armes parachutées à tous les maquis locaux, ce qui permettra de contribuer à la libération du pays en août et septembre 1944. Jorge SEMPRUN et Michel Herr seront arrêtés. Jorge Semprun sera déporté dans un camp en Allemagne mais Michel Herr s'évadera et continuera la guerre jusqu'en Allemagne en qualité d'officier. Casse-cou, avec une chance presque insolente, échappera à toutes les embuscades ou dénonciations et participera activement à la libération de la France. En suivant l'itinéraire de ces grands personnages de la Résistance nord-bourguignonne, Michel HERR, André MOULINIER ou Jorge SEMPRUN, on démontre l'importance des réseaux mis en place par l'Intelligence Service par lesquels arrivaient les parachutages indispensables à la survie et à l'efficacité des maquis locaux. Mais en raison même de leur activité, le Réseau Jean Marie paiera un très lourd tribut pour la délivrance du territoire.
A lire le très beau roman de Jorge SEMPRUN, le grand voyage, qui retrace des épisodes de résistance vécus par l'auteur dans le Châtillonnais et sa déportation après son arrestation dans l'Yonne. |