Jorge SEMPRUN |
V: Des amis en Côte d’Or ,m’ont demandé à l’approche du 50 ème Anniversaire de la guerre des articles pour conserver la mémoire locale, ce qui s’est passé. lIs savaient que depuis 1968, suite à votre film et à votre livre, j’avais fait une enquête parce que je pensais que le juif de votre roman était un personnage réel et j’ai couru après jusqu’à maintenant; J’ai contacté le lycée Henri IV, ,j’ai brassé partout , toutes mes pistes tombaient à l’eau bien sûr et s’est posé le problème de savoir ce qui était réel et fictif dans vos ouvrages . Ce problème intéresse les gens qui lisent vos romans historiques et ont vu votre film “le grand voyage”. J’aimerais leur apporter une réponse. S Ecoutez,c’est très facile, tout ce qui est historique est vrai et dans cette vérité historique j’ai inventé certains personnages pour des besoins purement littéraires... le juif qui est là il est . ... d’ailleurs à un moment donné dans le roman suivant de l”’Evanouissement” il y a une allusion à ça parce que il y a le personnage de Michel qui est un personnage réel il a existé... c’est le fils de Lucien HERR le bibliothécaire de l’école Normale Sup ; Il était avec moi dans le Réseau Jean Marie Action, tout ça est réel.. .Je dis à un moment au personnage du livre, au narrateur “heureusement que nous avons ces documents-là ça prouve que... .comment il s’appelle..... que Hans Freiberg. . .Hans a existé, parce que Bloch c’est un autre , un personnage réel, le Bloch d’Henri IV est un personnage tout à fait réel. C :alors il y a deux Hans... dans le roman il y a deux Hans S : il y a un Bloch . . . . Bloch c’est le condisciple de Philo à Henri IV,il est réel ... la conversation est réelle dans la mesure où on peut transcrire vingt ans après une conversation réelle. Le personnage de Hans du maquis du Tabou est inventé . Il y a une explication dans “L’Evanouissement” un peu ambigue parce qu’on dit : “ nous l’aurions inventé pour ... Mais on en parle quand même comme d’un personnage réel et s’il avait été inventé, on l’aurait inventé parce qu’il était juif, nous étions internationnalistes....Il y a une demi page où on explique pourquoi on l’aurait inventé et ce sont les raisons pour lesquelles je l’aurais inventé. C: Vous vous inspiriez d’un personnage que vous auriez connu? S: En m’inspirant de beaucoup de personnages ... C : et d’un juif en particulier? S: Mais oui ... lui est juif.. de la Résistance, ou autrichien ou allemand que j’ai connu dans la Résistance à travers la M O I la Main d ‘oeuvre de langue étrangère , des étrangers du Parti Communiste de l’époque ... moi je travaillais, j’avais des contacts avec eux, ,je travaillais avec un Réseau qui dépendait directement de Londres ... Jean-Marie Action; V: Comment était organisé ce Réseau ? Quelle y était votre place? S : Responsable de la réception des parachutages et des points d’armes dans cette région -là. V: Comment se fait - il que vous connaissiez Julien Bon? S: Parce que le Réseau travaillait en contact avec la Résistance locale. Un jour Michel HERR m’a présenté à Julien qui est devenu mon copain, on a travaillé ensemble ça s'est arrêté quand j’ai été arrêté tout de suite après l’histoire du train de munitions à laquelle j’ai été mêlé, d’ailleurs je ne sais pas si c’est lui qui l’a fait sauter, il parait .... il semblait qu’il était en danger, j’ai été le chercher, je ne l’ai pas trouvé, autour de Pontigny vers LAROCHE - MIGENNES, le grand dépôt de la S N C F , où on faisait sauter les locomotives, les unes après les autres et je n’ai pas trouvé Julien; c’est en rentrant de ce voyage là que j’ai été arrêté par la Gestapo . . .Je ne dis pas qu’il y a un lien, attention, du tout tout . . ..C’était une époque où il y avait une pression de la Gestapo sur tous et ils sont venus tout a fait par hasard parce qu’il y a eu une dénonciation... en disant chez Irène, Irène CHIOT ,lrène Russel , qui était la ferme d’Episy, près de Joigny. Chez Irène , il y a des choses bizarres qui se passent , des allées et venues , des types qui entrent et qui sortent .... il n’y avait rien dans la dénonciation, d’un voisin je ne sais pas qui et je suis venu au hasard, vraiment au hasard , et c’est par hasard qu’ils m’ont trouvé là par ce que j’aurai pu ne pas être là . S’il n’y avait eu personne ils auraient fait une enquête ,fouillé la maison ; il n’y avait rien à trouver parce que les choses avaient été bien cachées,même dans la chambre ils n’ont pas trouvé le dépôt d’armes qui y était .En arrêtant les gens qui y étaient dont moi ils n’ont pas trouvé le dépôt d’armes bien caché. Je me suis réveillé donc après cette nuit sans sommeil pour aller chercher Julien Je me suis réveillé dans une pièce, dans la cuisine, et j’ai trouvé la Gestapo..... Ca je l’ai raconté à peu près dans le roman... où tout est vrai et j’ai inventé des choses pour accentuer la vérité .J’ai connu un certain nombre de juifs qui étaient Résistants et là j’avais envie de ce personnage qui était symbolique. V : qui condense ... C : c’est le seul qui serait vraiment symbolique dans le roman? S: et le gars de Semur est inventé aussi ... qui est le plus symbolique et presque le plus réel .... le plus réaliste.... L’acteur qui a joué et que je vois d’ailleurs de temps en temps encore maintenant, l’acteur qui a joué dans le film de Jean PRAT , le film de la télévision, celui qui a joué le gars de SEMUR était tellement malheureux que ce soit un personnage inventé .. . . Il m’a dit , chose touchante ,“ j’aurais aimé qu’il soit vrai ce personnage parce que ça aurait été plus facile pour vous de faire le voyage s’il avait existé “d’ailleurs c’est pour ça que je l’ai inventé parce qu’il n’était pas là et que le voyage a été beaucoup plus dur parce que j’étais seul.... C :Vous n’aviez pas d’interlocuteur comme lui. S: Et non ,voilà . ..personnage inventé mais qui est aussi basé , fondé sur des paysans et des maquisards réels, que j’ai connu en Bourgogne .. . .tous les personnages de fiction dont ces deux là ,qui sont les plus importants.... enfin je dois dire presque, maintenant vous savez le livre est tellement vieux, j’ai pu oublier, je suis presque tenté de dire ce sont les deux seuls qui sont vraiment de fiction .... parce que la femme juive dans la rue qui demande .... tout ça est complètement vrai . V: Quand vous avez fait le film avez vous retrouvé de ces personnes réelles ou de leur famille? S: Non ,vous savez moi j’ai passé une très longue
période qui vient de finir il y a quelques années seulement
où je ne voulais plus, aucune envie... S :C’est à dire que quand je suis revenu du camp en
1945 au mois de Mai, je voulais être écrivain , depuis
que j’ai 7 ou 8 ans. Enfin maintenant on va écrire et
je voulais écrire et je ne pouvais écrire que sur cette
expérience là parce que.... je ne voulais pas écrire
un témoignage comme ça, sans.... Je voulais écrire
quelque chose de plus élaboré , pour une raison très
simple , c’est que c’était me replonger sans arrêt
dans la mémoire de la mort, c’est une expérience
personnelle il y a d’autres écrivains qui sont sortis
de cette mémoire là, Robert Anthelme , qui a écrit
tout de suite , Primo Lévy l’italien, s’en sont
sortis parce qu'ils ont écrit moi c’est tout le contraire....
J’ai passé tout l’été ,tout l’automne
45 le début de l’hiver 46 où je dis " je ne
continue plus”... jusqu’au moment où je sentais
très bien que enfin je dis ça comme une métaphore
parce qu’on ne sait jamais si c’est vrai ou pas a postériori,j’ai
dit “ mais je vais finir par me suicider pour aller jusqu’au
bout de ce récit. D’ailleurs je suis en train d’écrire
maintenant un livre que je vais publier je pense en Septembre . Je
l’ai déjà écrit mais je le réécris
pour des raisons littéraires ,qui s’appelle C : parce que vous dites “pour Jaime” parce qu’il a 16 ans. S : oui c’est ça ,16 ans ,16 ans et demi c’est l’espace qui s’est passé C : J’en profite pour vous demander “JAIME” qui est ce? S: c’est mon fils, c’est un prénom espagnol,c’est Jacques, comme il avait 16 ans j’ai mis 16 ans;c’est un peu plus mais ça ne fait rien... et je n’ai pas écrit et du coup puisque ce passé était, Ia mémoire était bloquée ,j’avais complètement oublié . Ca m’est arrivé par une espèce de thérapie volontaire. ll m’est arrivé d’assister à des conversations où on racontait des histoires de camps et j’écoutais attentivement sur le coup je me disais quel imbécile! tu le sais mieux qu’eux, puisqu’ils n’y ont pas été . . .J’en arrivais presqu’à me dédoubler jusqu’au jour où en 1961 -62 pour une raison tout à fait personnelle brusquement j’ai pu écrire “Le grand voyage”. D’une traite en 3 semaines et alors à ce moment là au lieu d’être accablé par cette écriture j’étais libéré finalement; mais il s’est passé 16 ans.... Enfin pour en revenir à la question principale tout est vrai sauf les 2 personnages de fiction, qui condensent des vérités parce que je veux aller plus loin et que la littérature me permet d’aller plus loin que le simple témoignage ... C’est un peu mon problème de dépasser le pur témoignage
pour faire quelque chose qui advienne là sans jamais trahir
,sans inventer des choses qui puissent blesser ou trahir la vérité mais
qui au contraire la condense, l’accentue ... voilà ....mais
tout le reste, tout est vrai. Bien évidemment la mise en forme
, c’est raconté d’une certaine façon . .
.c’est d’abord un style qui est à moi mais c’est
complètement vrai, toutes les anectodes sont vraies V: il vit toujours ? S: il est un peu fou ,c’est lui qui m’a dit en 45 - 46
il etait à ce moment là dans l’armée de
Lattre où il était lieutenant colonel mais devenu un
peu fou, ,je suis allé le voir pas volontairement tout ça
s’est fait comme ça , Je raconte ça dans un autre
livre “Quel beau dimanche” toutes ces coincidences romanesques
qui sont vraies. V: C’est en voyant votre film que j’ai appris cette mort et ensuite j’ai trouvé des documents qui le confirmaient et des témoignages. S : ça coîncide. V: pour vous aussi c’est la bonne version. S: pour moi c’est vraiment la version la plus logique, la plus vraisemblable , tel que je connaissais Julien. V: Vous ne savez pas s’il a été dénoncé? S: il m’a marqué parce que c’était un personnage très simple, modeste , d’une très vive intelligence et parce qu’il avait un langage jacobin qui m’amusait vraiment . . .quand il disait “les patriotes” ,il disait ça à un espagnol qui n’était pas là pour des raisons patriotiques, il ne savait pas que j’étais espagnol , mes raisons étaient plus idéologiques et politiques, j’étais contre le fascisme , le nazisme avant d’être contre les envahisseurs de la France si je peux dire ça comme ça .J’étais quand même responsable de la Résistance espagnole donc j’étais impliqué d’une certaine façon nationale mais quand lui parlait de “patriote” c’est cette persistance du langage qui m’a quand même enchanté chez lui ,prodigieusement agréable comme compagnon de randonnées, vif, intelligent , courageux, débrouillard ,c’était formidable ,quand on faisait quelque chose avec les Résistants, parfois on tombait sur des types qui étaient non pas lâches puisqu’ils étaient là , mais quand même avec une crainte alors qu’aller dans les fermes avec Julien on nous accueillait toujours bien .... V: Quand vous êtes allé au Tabou est ce avec lui? S : Oui pour y mener des armes. Y : étiez vous allé directement ou en passant dans une famille? S ; On s’est arrêté quelque part je ne sais plus bien où ,c’était à Larrey mais après on a continué droit sur le Tabou. Il ne m’a pas dit si c’était chez sa mère ou sa soeur; V: Ma grand mère qui est morte aurait bien voulu vous revoir S: Il avait cette discrétion dans les relations ,mais c’est fort possible. V: Le film, peux t-on le revoir? S: Il faut voir les archives de l’INA c’est la que je crois qu’il y a ce film. V: Pourrait -on revoir ce film à la TV pour la journée
des déportés? C: Celui là spécifiquement? S: spécifiquement . . . .et je l’ai revu alors, et c’est vrai qu’il vaut le coup. C C’est lui qui vous a proposé de tourner ce film ? Qui en a eu l’idée? S: Il a lu le bouquin et il a immédiatement voulu faire un film .Il s’est battu et finalement il a eu l’autorisation mais il s’est battu deux ans c’était pour moi c’était son film .Je l’ai laissé complètement libre et le choix par exemple de faire que le personnage du narrateur n’apparaisse pas, qu’il n’y ait qu’une voix ,ça vient de lui C: Il avait été Résistant lui même ou Déporté? S: non il n’avait pas l’âge. C: Pour qu’il s’attache à un tel sujet... S : il n’avait pas l’âge mais il avait par ses origines familiales catalanes été en contact avec des réfugiés espagnols. Un de ses films avait été “L’espagnol” tiré d’un roman de Bemard Clavel.. il y avait une attache sentimentale entre nous .... ce qui nous a rapproché ... moi je ne le connaissais pas quand il m’a appelé .... il a mis deux ans pour obtenir de l’ORTF d’alors le feu vert puis le film a eu un prix, le prix Emile Olivier. V : faites vous partie de l’amicale du Réseau Jean Marie? S: non , mais pour vous dire j’ai mis 35 ans , en 1983 pour demander une carte de déporté , je voulais oublier tout ça jusqu’en 1983 où je me suis dit “tu es quand même imbécile,l’âge vient , il y a des avantages au point de vue santé .... des soins gratuits ,une petite pension... c’est la seule démarche que j’ai faite .... A ce moment là je voyais des gens du Réseau Jean Marie, le responsable du Réseau qui est colonel Adam .... Il m’a immédiatement donné les certificats , il a été voir les archives du Réseau pour prouver que ma déportation était bien liée à des actes de Résistance donc que j’y avais droit comme Déporté-Résistant. V: Est ce qu’il vit encore le colonel Adam? S : quelqu’un m’a dit l’autre jour qu’il était toujours vivant, mais il n’est plus à Paris Si je trouve une voie vers Adam je vous le dirai ... V: Est ce que celà vous a gêné que vous soyez communiste alors que Julien était probablement gaulliste, S : non ,à cette époque là on ne pariait pas
politique V: Vous rappelez vous la date de votre passage au maquis Tabou? S: septembre 1943 V: y êtes vous resté longtemps? S: je suis resté avec eux au moins une nuit parce que je me rappelle bien de la vie au maquis la nuit et une autre fois seulement pour apporter des armes.... C: Vous aviez un rôle de lien entre les camps ? Vous transmettiez des messages et des informations d’un camp à l'autre ? Etiez vous mobile? ou plus fixés à un camp précis? S : Nous on n’était pas fixés.. On organisait les parachutages et la distriburion des armes donc du coup on était obligé d’être en rapport avec toutes les organisations , l’armée secrète, les FTP et donner les armes selon les besoins estimés et selon l'efficacité .... c’était à nous de juger ceux qui faisaient quelque chose .. il fallait aussi stocker ces armes après la réception, il y avait aussi le travail de sabotage des lignes de communication et le renseignement sur les mouvements de troupes .Moi j’étais surtout dans la partie distribution des armes dans les maquis et dans la partie sabotage des voies ferrées et des fameuses écluses du canal de Bourgogne V: avez vous vu au Tabou l’officier américain ramené par Julien d’Estissac? S: j’en ai entendu parler mais je ne suis pas sûr de l’avoir vu V: y aviez vous vu BIG l’étudiant parisien? S parmi les gens qui étaient là il y avait au moins un étudiant parisien V: avez vous connu "Casse - cou”? S : non V: il y avait le “colonial" ,Franck de Paris , étudiant mais qui reste un mystère S : celui que vous citez dans les articles? V: oui ,celui qui est mort au combat probablement avec l’Américain je poursuis mes recherches la dessus mais où est passé le corps? S: on est allé à la Libération avec Michel Herr, je raconte la visite du Tabou dans « L'Evanouissement » on est allé sur le site du Tabou ... il y avait des restes et puis la ferme d’à coté... C: avec Michel Herr? S: c’est le fils de Lucien Herr un personnage très important du début du siècle, c’est lui un des responsables pour ne pas dire le principal responsable de la mobilisation des intellectuels pour l’affaire Dreyfus ... Il était bibliothécaire de l’Ecole Normale Supérieure... C: je voudrais en revenir à Julien, à part l’action , le combat est ce qu’il y avait plus , des liens fraternels S: oh ! oui parce qu’il n’y a pas que l’action et le combat, il y a quand même les randonnées comme ça, il y avait quand même plein d’heures où on était là ensemble a se promener à parler, à aller dans les bistrots c’était avec Julien la discussion. qui ne portait jamais comme ça aurait pu être avec un copain étudiant sur des lectures ... elles portaient sur la vie ... sur les choses de la vie et c’était fascinant mais c’est difficile à reconstituer, là il faudrait que j’invente . ...et pourtant je garde la couleur ... tout serait vrai si j’inventais car il y aurait la couleur ... Une fois près de Semur, on allait ravitailler un maquis qui avait des projets ... un peu perdu .... on avait fait le voyage avec des valises d’armes qu’on avait laissées dans un endroit précis .... c’était un tout petit maquis un peu en décomposition pour des histoires compliquées et qui avait décroché... qui était un peu perdu dans la fôret près de Semur et tout à coup au retour de ça on a passé deux heures près d’une espèce de rivière parce qu’il voulait à, tout prix attrapper une truite à la main . . .comme ça pour prendre la truite sous le ventre et hop attrapper la truite comme ça avec tant de patience, moi j’étais fasciné. Je ne sais pas ce qu’il disait quand il faisait ça ou ce que je pouvais lui dire mais si je faisais un roman avec un personnage il est évident que tout serait vrai et là j’inventerais la discussion et le dialogue mais la discussion inventée serait vraie. C : ce qui est fantastique c’est ce personnage qui parait déplacé par rapport à un contexte de violence. S: oui, oui mais il était très capable d’assumer la violence , c’était quelqu’un de très dur dans le bon sens du terme ... il en était capable justement mais il était beaucoup plus que ça ce n’était pas le tueur, ce n’était pas l’homme d’action au sens restreint du terme c'était autre chose.., il avait des convictions gaullistes enfin je suppose ... “patriotes” mais je veux dire De Gaulle a quand même réveillé la sympathie... V: je parle de De Gaulle parce que les jeunes de la campagne à cette époque l’appellaient “De Gaulle” S: moi je raconte et c’est vrai qu’on demandait aux paysans de ne pas battre le blé pour qu ‘il ne soit pas réquisitionné et moi j’ai vu des batteuses aux environs de Joigny ,dans l’Yonne donc travaillant avec des pancartes qui disaient « nous battons avec l’autorisation des patriotes »,,, en plein jour. V: dans vos livres la femme a une grande importance et je suppose JULIEN fasciné par les femmes ... S: oui ,mais c’était l’âge; à 20 ans
on savait bien que ça lui plaisait quoi quand on allait parfois
dans une ferme,on le voyait qui partait en avant parler, sa façon
de parler était beaucoup plus proche des gens évidemment
que la mienne,et tout de suite il se plaçait à la grande
table près des filles S : oui ,il avait du bagout . .. puis il avait le prestige du romantique qui se ballade avec un Smith et Wesson... C: et la moto? S : elle n’était pas à lui , ça c’est une histoire .. . .il ne pouvait pas supporter que cette moto soit perdue et il m’a fait peur ce jour là... .les risques qu’on a pris, il aurait pu la prendre tout seul .... la récupérer là bas dans la scierie de Semur C : est ce qu’il y a d’autres ouvrages sur ces faits? par d’autres auteurs qui auraient participé au maquis dans la région? S: il y a surement des travaux V: quand l’anglaise Barbara Conrad vous a contacté pour son travail sur le Tabou vous n’avez pas répondu , est ce que cela vous intéresserait de l’avoir? S : non ,vous savez sur certains sujets sur la période, moi même j’avoue que ... V :je m’en suis douté après avoir lu “la Montagne blanche” mais pour moi c’était capital S : on se reverra sûrement, je ne dis pas que... mais j’ai du mal au départ à... V: Je me suis attaché à Julien BON suite à un phénomène psychologique que j’ai etudié toute ma vie ,et mon fils ...Quand il est mort c’est ma grand mère qui m’a élevé à sa place. S : mais je crois que vous m’avez dit quelque chose dans une lettre ... V: oui peut-être il y a longtemps... S : oui, ça fait longtemps , une des premières lettres , parce que je me souviens de vos lettres... je n’ai pas répondu, mais je m’en souviens... Je crois que vous avez fait une allusion à ça... ce n'était pas explicite, mais j'ai compris qu'il y avait un rapport très personnel , très direct avec Julien... V : je me suis identifié à lui sans le savoir, parce que j’étais petit...j’avais 3 ou 4 ans ... S : oui,il y a une allusion à ça dans une de vos lettres. V: j’ai fait toute ma vie des recherches et j’arrive maintenant à 52 ans et ça se confirme encore,je retrouve des dates en reprenant sa vie à lui, je retrouve des choses symboliques et ce que vous me dites sur lui m’y renvoie, une vraie identification... .par l’intermédiaire de ma grand mère . . j’avais besoin qu’on me confirme qu’il était bien comme ça . S: votre prénom? V: Vianney , c’est le nom du curé dArs .Mon fils lui fait un travail à la Faculté sur le mythe du héros et sa transmission à travers les générations C: C’est une histoire un extraordinaire votre roman qui est venu ensuite raviver tous ces faits .. . le film et puis dans la famille c’est devenu une sorte de mythe.. .donc c’est devenu un symbole qui exerce une très forte puissance, au niveau du personnage . . . .que vous êtes venu entretenir par votre ouvrage et ensuite le film .... il y a une transmission qui s’est faite et qui est en train de s'appuyer sur chaque personne de la famille,chacun en est comme le vecteur.... V: maintenant même si j’arrive à une certaine sérénité j’y suis encore attaché.Je me rappelle que mon grand père me disait que Julien avait horreur du chiffre 13 or il est mort le 13 mars à 13 heures 30 et au passage à niveau 13 de Laignes. J’ai su aussi qu’il s’était engagé pour l’Algérie afin de continuer la guerre et cela le 13 MARS 1941 mais quand il a vu que cette armée était pour Vichy il s’est fait réformer et a gagné le camp de la Résistance .Comme par hasard je me suis engagé pour la guerre d’Algérie mais j’ai vite compris qu’on avait le même rôle la bas que les allemands chez nous .C’est l’histoire de sa mort qui m’a intrigué car je sentais du caché, du non dit et votre film puis votre livre m’ont indiqué son suicide. C : votre roman a été le révélateur de ce qui était resté un secret de famille, on n’en parlait pas, c’était “abattu par les allemands” V: j’ai pensé que cétait la religion qui posait le problème S : ça s’explique très bien, à travers les discussions qu’on a eues . . . .il avait son Smith et Wesson et s’est tiré une balle par peur d’être pris... C : vous vous souvenez de sa jambe blessée... est ce que son handicap vous a marqué? S : il était tellement mobile que ça ne se voyait pas. C: pourtant d’après ses proches il en souffrait. S : il en souffrait et par moments on s’en apercevait, il trainait la jambe, il avait des problèmes mais il était tellement mobile et tellement vivant qu’on oubliait très facilement. C : est ce que vous étiez agent de l’IS? S: non... C: est ce que vous saviez s’il en était? S: non V: le Réseau Jean Marie était bien relié à Londres S : tout à fait il dépendait de Buckmaster ,peut être que le chef avait des contacts avec l' IS mais pas individuellement , lui peut être puisqu’il s’occupait du renseignement... c’est pour ça peut être que cette histoire de LAROCHE - MIGENNES qui était la plateforme ferroviaire , était un haut lieu de surveillance du trafic ,c’est pour ça peut être qu’il a été plus exposé que d’autres parce qu’il faisait du renseignement mais ça n’apparaissait pas C: il avait peut être des rendez vous avec des chefs de la Resistance? Vous saviez qu’il allait sur PARIS pour ça? S: non V: J’ai su que mon pére qui travaillait au chemin de fer lui communiquait des horaires de trains allemands passant en côte d’or. C: peux t-on actuellement encore rencontrer des personnes qui l’aurait connu? S : celui qui pourrait vous en parler c’est Michel Herr et quelqu’un qui fait un travail sur le Réseau Jean - Marie : Boursier je crois qui est passé me voir il y a quelques mois; il a vu Michel Herr récemment mais il ne faut pas y aller de ma part ,parce que toute sa vie il a dû souffrir de culpabilité parce que c’est à cause de lui que j’ai été arrêté par son erreur en faisant une opération mal montée; il s’est senti tellement coupable qu’il est revenu pour essayer de me faire libérer de la prison mais il n’a pas réussi et il s’est fait arrêter lui même , il s’est évadé de la Feldgendarmerie de Joigny après avoir été battu. Il était très courageux et très personnel donc ses rapports avec moi sont très conflictuels il est devenu un peu fou... C’est la seule personne encore vivante vu qu’lrène esr morte à Bergen Belsen . . . .elle qui était très proche de Julien. La maison d’lrène était le foyer de rassemblement . . .maintenant c’est le restaurant le plus chaleureux de France ... de la côte d’or ,la cote St Jacques de Joigny domine l’Yonne ,je suis allé avec des amis pour voir la maison où j’avais été arrêté c’était juste en bas à Episy en bas du chemin de hallage ... V: et le colonel Adam? S : je ne peux pas vous dire C : Vous souvenez vous de votre rencontre avec Julien? S: non mais je suis prêt à parier que c’est chez Irène où Michel a dû me le présenter... C : vous souvenez vous du personnage d’Huguette? S : c’est à la prison d’Auxerre... mais je ne sais qui c’est ... c’était une fille qui était dans la cellule donc une Résistante ... comme elle avait un peu plus de possibilités de bouger que les hommes emprisonnés ,elle faisait le courrier entre les cellules, faisait passer les nouvelles.. elle était petite, une petite bonne femme , une petite jeune fille très mignonne mais je ne sais pas qui c’est V: et le cafetier qui a été tué dans votre roman? C : par Hortieux... S : Hortieux c’est Horteur j’ai déformé un peu des noms les frères Horteur c’est une histoire vraie ... d’ailleurs à Villeneuve une rue porte leur nom . .. .Il me faudrait une carte pour retrouver le nom tout ça c’est en 43 . . . avant je travaillais sur une autre region, l’Yonne c’était en 43 V: c’est l’année où vous avez été pris S : en septembre 43 puis j'ai été emmené à la prison d’Auxerre jusqu’en décembre 43 V: au moment où le Tabou a été attaqué S : et c’est pour ça que je raconte dans “le grand voyage” la nouvelle concernant le Tabou. je l’apprends dans le train. .. Il y avait un type qui était du Tabou , c'est un peu différent dans le livre c’est avec le gars de Semur que je parle . C’était au cours d’une conversation sur la région . ..le type avait un insigne de la région de Bourgogne . J’ai dit ”Bourgogne” je lui ai dit que je connaissais un mec Henri Bourgogne le chef du maquis de Semur, et il m'a parlé du Tabou , qu’il était liquidé. Dans le livre il y a le témoignage et la fiction qui ajoute pour prolonger le témoignage .. .Et ça c’est dans le train que je l’ai appris. C : vous dites qu'Irène était morte à Bergen - Belsen, Albert avait été fusillié .. qui est Albert? S: je ne sais plus C : et vous dites ,Olivier était mort à Dora S: Olivier était quelqu’un qui avait été arrêté un peu après nous et que j’avais retrouvé à Buchenwald , Olivier Crétet je crois qu’il s’appelait il a été envoyé en transport, il n’est pas resté dans le camp, il est mort à Dora. C: certains ont dit qu’il était un peu fou - fou S : évidemment pour les gens qui ne faisaient rien... c’est fou mais il n’était pas fou... très audacieux ...il avait toujours ou une intuition ou quelque chose de rationnel , l’histoire folle de monter dans le car... C’était vis à vis des allemands qui faisaient l’inspection la meilleure protection, parce qu’on montait dans le car avec des gens réquisitionnés aussi les allemands n’ont fait aucun contrôle... IL avait bien l’intuition que les gens n’allaient pas nous dénoncer... Cétait risqué mais en même temps basé sur une connaissance intuitive qui était très bonne C: est ce qu’il vous a jamais parlé de son destin, de la foi en son destin? S: la seule chose que je peux dire c’est qu’une fois ou deux il a dit quand on parlait comme ça ,des arrestations, des tortures etc il disait ” moi si je peux dans ces cas là je garde une balle pour moi “il le disait très sérieusement , c’est pour ça que le coup de la balle dans la tête ne m’a pas surpris ni choqué C: il disait à sa mère qu ‘il s’attendait à être pris qu’il se ferait sûrement prendre V: avec son handicap de la jambe C : il exprimait un sentiment de défaite S : c’est à dire qu’il commençait à être trop connu même si les gens ne connaissaient pas son nom ce personnage commençait à être un peu trop connu... c’est vrai qu’il agissait plus que d’autres C: un des plus connus? S : oh ! oui V: on dit que les plus connus sont Henri Camp pour l'Auxois et Julien Bon pour le Châtillonnais. S Je connais beaucoup mieux Julien... |